Jean PRODROMIDÈS & Jean PRAT - Les Perses
Par DavidLeMarrec, lundi 11 août 2008 à :: Musique de scène - Musicontempo - Genres - Théâtre filmé (et autres cinémas) - Musiques du vingtième siècle - Théâtre (musical) grec :: #1017 :: rss
Après tant d'années, la glorieuse soirée du 31 octobre 1961, où tous les médias d'Etat répétaient en écho et à l'unisson Eschyle, est enfin disponible sur le site de l'INA, pour qui sait chercher. Un peu cher à l'achat (six euros), surtout que le visionnage en est extrêmement protégé et pas franchement pratique, mais c'est désormais et enfin sur le marché.
En fait d'Eschyle, il s'agit d'un oratorio autonome sur le même sujet de Jean Prodromidès, plutôt connu pour sa musique de film. La mise en musique n'a rien de grecque, les trombones y sont fort généreux pour évoquer l'aulos solo des célébrations antiques. Le rôle de la mère Xerxès se trouve, de surcroît, réellement tenu par une femme, contrairement à la tradition antique ; et les masques rigides, bien que stylisés, ne couvrent nullement la bouche en porte-voix. En revanche, les rythmes syncopés propres aux choeurs dans cette oeuvre évoquent l'alternance brève-longue des pieds grecs - il faudrait vérifier dans la partition s'il y a coïncidence entre les mètres -, ce qui est peu naturel au français, mais très aisément applicable en musique.
Le style musical lui-même est plus proche de la tonalité naïve mais fluide d'un Damase ou, plus encore, de la dimension rituelle des Choéphores de Milhaud (musique de scène, cette fois-ci) ; et à certains égards de l'aspect récitatif et scandé de Landowski (Le Fou, Monségur...). En tout cas, très ancré dans une esthétique française très « groupe des Six », dont Prodromidès hérite largement (tout particulièrement du meilleur Milhaud, celui du Pauvre Matelot et des Choéphores).
L'oratorio se compose d'une alternance de récits parlés - dans une veine à la fois narrative et rituelle que Jean Prat puise dans le français simple et profond de son adaptation d'Eschyle - parfois accompagnés d'un lit de cordes inquiètes, et de choeurs chantés à la scansion marquée, archaïsante, plongés dans un déferlement de cuivres et de percussions. Le recueillement des méditations sur le destin de la Perse ou la fièvre des énumérations des guerriers de l'Asie alternent avec les sections chorales, exprimant les sentiments immédiats et paroxystiques des choreutes. Le tout dans une atmosphère de déploration rituelle extrêmement réussie, et vraiment touchante.
De surcroît, comme vous pouvez le noter dans l'extrait vidéo que voici...
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De surcroît, comme vous pouvez le noter l'extrait vidéo que voici ou dans les photographies, les qualités plastiques de l'image sont assez exceptionnelles (malgré des taureaux à la mode de Dur-Sharrukin, certes plus assyriens que perses à ce qu'il nous en semble), aussi bien la disposition ordonnée des récitants que la qualité du contraste (et ce ciel nuageux !), de plus servies par une réalisation extrêmement inspirée (de Jean Prat), offrant à chaque plan des aspérités extrêmement séduisantes pour l'oeil, touchantes même.
Si les choeurs et l'orchestre philharmonique de la RTF ne déméritent pas, avec leurs caractéristiques propres (des sons assez "droits", mais une incarnation moins distante que de coutume), les acteurs se montrent assez formidables, déployant une technique d'émission et une force de conviction qui paraissent aujourd'hui peu concevables dans des théâtres - à part, précisément, chez des chanteurs d'opéra qui possèdent cette puissance (mais pas toujours la même précision des intentions et de la diction).
François Chaumette, le récitant principal (le Coryphée, en réalité), se distingue en particulier par sa voix abyssale et son phrasé élevé.
Un classique, et à juste titre, dont les lutins vous recommandent la (re)découverte, au moins à travers ces quelques minutes d'extraits - et plus si affinités, tout en sachant que les contraintes techniques du site sont assez lourdes une fois l'achat réalisé. D'autant que tout Prodromidès n'est pas cette trempe. Une de ses rares oeuvres publiées, son opéra Goya, loin du lyrisme postpuccinien de Menotti, propose une prosodie un peu plate et des couleurs assez uniformément grisâtres, plus proche d'un Poulenc des Carmélites un peu répétitif que des Choéphores ou de La Reine morte de Daniel-Lesur.
Profitez donc de l'aubaine - si vous en avez le loisir en ces jours d'intense activité culturelle.
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2. Le mardi 12 août 2008 à , par DavidLeMarrec
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