A la découverte de la mélodie française - parcours discographique commenté - V - Esprit français - Faure & Fauré
Par DavidLeMarrec, samedi 26 avril 2008 à :: Découverte de la mélodie :: #929 :: rss
} Mélodie de salon (suite)
Jean-Baptiste FAURE
Description :
Baryton célèbre, Jean-Baptiste FAURE est l'auteur de plusieurs mélodies à succès, souvent à thématique religieuse. Parmi les plus célèbres : Les Rameaux, Le Crucifix et La Charité. L'écriture, assez simple, en est d'une séduction très sûre, immédiatement séduisante, agréablement mémorisable, voire exaltante. Beaucoup de charme, même si ce langage, particulièrement quant au sujet choisi, inhiberait beaucoup les programmateurs (et le public) aujourd'hui.
Disques recommandés :
Ces pièces ont été jouées sous de multiples arrangements (avec ou sans orchestre, voix aiguë ou grave, duos divers, traductions, etc.), et il en existe de très nombreux témoignages sous forme de cylindres et de 78trs (captation généralement entre 1900 et 1929). CSS a en projet d'en proposer une petite sélection à l'occasion, car il n'est pas sûr que cela se trouve aisément au disque. En tout cas pas en quantité sur un seul CD...

} Esprit français (suite)
(Traités précédemment : Saint-Saëns & Chabrier.)
Gabriel FAURÉ
(1845-1924)
Description :
L'oeuvre mélodique Gabriel Fauré constitue, on l'a déjà dit, tout à la fois le corpus le plus joué en dehors de quelques tubes, et le répertoire le plus emblématique du lied. C'est même sans doute après son Requiem et éventuellement le Cantique de Jean Racine l'oeuvre pour laquelle il est le plus connu - ce qui est assez rare dans le milieu, à moins de n'avoir laissé quasiment de que des mélodies à l'instar de Duparc.
On peut la classer en trois ou quatre périodes importantes :
Les oeuvres de la première période sont souvent naïves, assez simples aussi bien dans leur ton que dans leur rapport plein de légèreté aux textes. On reste dans un esprit de la mélodie, sinon de salon, du moins assez rudimentaire. Beaucoup de charme déjà, mais avec une certaine superficialité dans les affects : la gaîté ou la mélancolie sont déjà très bien rendus, mais sans mélange. On y trouve ce qui s'étend de l'opus 1 à l'opus 8.
On peut ici éventuellement placer une période intermédiaire (qui prolonge en réalité la précédente), encore assez homogène dans son traitement musical, mais qui développe déjà une une vision plus personnelle, avec une véritable écriture vocale fauréenne, exigeante mais très attentive à la voix. On y rencontre quelques-unes des pièces les plus célèbres : 'Le Voyageur, Automne, Les Berceaux... Clair de Lune se situe à la charnière.
La troisième période - la plus intéressante à notre goût farfadesque - se caractérise par une très forte concentration en chefs-d'oeuvre. L'aspect extérieur en est toujours d'une grande simplicité, d'une grande accessibilité, cependant la recherche harmonique y atteint des sommets de raffinement, qui n'y sont sensibles que par la capacité à habiter chaque membre de phrase de couleurs merveilleuses et versatiles. Qu'on écoute Prison, Spleen ou La Bonne Chanson (particulièrement Une Sainte en son auréole et La lune blanche) pour se convaincre de cet art faussement dépouillé du climat - et de la déclamation poétique. Les phrasés y surprennent, mais avec naturel.
Enfin la quatrième période est celle des derniers cycles : La Chanson d'Eve, Le Jardin clos, Mirages et L'Horizon Chimérique. L'austérité y fait son entrée : une vérité prosodique un peu monotone (dans le goût des récitatifs de maint Massenet), certes proches du verbe parlé, mais empreinte d'une certaine grisaille. L'accompagnement y est réduit à une épure, une ligne sur un horizon. CSS avoue être moins sensible à ces ensembles, qui renoncent aux talents de coloriste et se reposent sur le seul texte, qui se trouve hélas modérément passionnant - à plus forte raison comparé à la Bonne Chanson...
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Disques recommandés
Il existe de très nombreuses versions des mélodies de Fauré, cependant beaucoup des oeuvres, en particulier les plus tardives, ne donnent pas souvent satisfaction : ce répertoire réclame tout à la fois une très belle diction, un goût de l'expression délicate mais jamais précieuse, maniérée ou sucrée, et une voix souple qui ne nécessite pas de grands écart pour faire valoir son éclat. Des versions à déterminer ou à enregistrer...
a) Première et deuxième périodes.
Souvent présentes au sein de récitals mêlés. Nathalie Stutzmann (RCA), aux côtés de Catherine Collard, en propose une lecture tout à la fois voluptueuse et sobre dans son album Fauré. (Aujourd'hui disponible de surcroît dans un couplage de deux disques français à tout petit prix (sept euros sur Amazon...)

b) Troisième période & La Bonne Chanson.
Jérôme Corréas, Philippe Bianconi, Quatuor Parisii (Disques Pierre Vérany). Absolument indispensable. Une sélection des plus belles mélodies de Fauré (les plus célèbres aussi, et ici à très juste titre). Il s'agit ici de la Bonne Chanson dans la version alternant avec cordes et avec piano. Parmi la pléthore de versions de ce cycle, celle-ci domine de très loin par son naturel désarmant et sa puissance verbale hors du commun. Voix incomparable de surcroît. Seul petit regret : le Premier Quintette de Fauré nous prive de compléments vocaux du trop rare Corréas (on peut entendre un extrait de sa Bonne Chanson dans l'article). S'il ne fallait conserver qu'un seul disque de mélodie française, ce serait celui-ci.
c) La Chanson d'Eve (quatrième période).
Avec un beau piano feutré, c'est encore Irma Kolassi (Testament) qui, à notre connaissance, propose la lecture la plus éloquente de ces pages aussi peu vêtues de superflu que la Mère de l'Humanité à ses débuts dans le monde.

d) Intégrale ?
Si tout le Fauré mélodique (quatre CDs...) est régulièrement enregistré de façon dépareillée, il n'existe qu'assez peu d'intégrales sur le marché.
- Celle de François Le Roux et Jeff Cohen (chez REM, avec Béatrice Uria-Monzon en guest star dans les derniers cycles) tend de plus à être totalement épuisée. Nous n'en connaissons donc que des fragments. Bien sûr, le piano toujours étrangement fluet de Jeff Cohen et les méniérismes de Le Roux peuvent rebuter dans Fauré, mais il y a là une profondeur et une recherche qu'il n'est commode de rencontrer autre part.
- Car l'intégrale Baldwin (EMI, puis Brilliant Classics, avec Elly Ameling et Gérard Souzay), qui présente l'avantage d'une présentation chronologique (et d'un tout petit prix chez Brilliant), reste un peu impersonnelle. Extrêmement soignée, mais guère d'urgence ou d'ivresse. Propre. Un excellent moyen de disposer de l'intégrale, mais pas vraiment à recommander pour une première approche, on risquerait de croire à une certaine tiédeur inoffensive du genre et de Fauré en particulier. Le piano de Baldwin est en revanche parfaitement exact et en style, comme toujours.
- Enfin l'intégrale Johnson (Hyperion, avec de multiples intervenants) pose plusieurs problèmes. La plupart des interprètes ne sont pas francophones, et malgré une bonne diction, l'accent, la petite distance avec le sens peinent à convaincre ici, dans la plupart des cas. Certains sont de surcroît plutôt disgracieux (Jennifer Smith tourne malheureusement à l'aigre dans une Chanson d'Eve un peu tristement crépusculaire). Le piano de Graham Johnson, quoique tout a fait bon, montre aussi un aspect un peu rond et feutré qui ne convient pas idéalement à la clarté réclamée par cette musique.
=> Pas de solution véritablement satisfaisante, donc. On peut se tourner vers Baldwin pour le prix et l'ordre chronologique très commode, mais il faudra avant tout approcher le corpus avec des anthologies comme celles que nous proposons ci-dessus.


Commentaires
1. Le mercredi 17 septembre 2014 à , par Luckas
2. Le vendredi 19 septembre 2014 à , par David Le Marrec
3. Le vendredi 19 septembre 2014 à , par Luckas
4. Le dimanche 21 septembre 2014 à , par David Le Marrec
5. Le dimanche 21 septembre 2014 à , par Luckas
6. Le vendredi 1 mai 2015 à , par Burr
7. Le vendredi 1 mai 2015 à , par David Le Marrec
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