Gustav MAHLER, une présentation - IV - Das Lied von der Erde - (Le Chant de la Terre)
Par DavidLeMarrec, samedi 19 mai 2007 à :: Portraits - Poésie, lied & lieder - Les plus beaux décadents :: #617 :: rss
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1. Contexte
Das Lied von der Erde ("Le Chant de la Terre") n'a pas été numéroté comme neuvième symphonie, du fait de la superstition de la symphonie fatale, particulièrement autour de Beethoven. Or Mahler avait des problèmes de santé depuis très longtemps, il avait déjà failli mourir d'une hémorragie intestinale en 1901, alors qu'il venait de rencontrer Alma Schindler, sa future femme. Il avait également été très marqué par la disparition de sa petite fille, qu'il avait également "pressentie" dans ces Kindertotenlieder ("Chants pour les enfants morts") qui avaient fait frissonner Alma.
2. Organisation musicale et choix des textes
Cette oeuvre se compose de six grands tableaux qui constituent autant de lieder avec orchestre, mais bâtis sur un schéma plus symphonique que strophique. Le texte semble épouser une logique de développement orchestrale, plus que l'inverse. C'est pourquoi cette oeuvre est difficilement classable. Il s'agit plutôt, au sens strict, d'un cycle de lieder, mais la logique de sa conception est celle d'une symphonie vocale, à la manière également de la Symphonie Lyrique de Zemlinsky.
Ecrit pour ténor et contralto (ou baryton), l'ensemble fait systématiquement alterner l'un et l'autre ; cependant, la structure en est déséquilibrée au profit du dernier lied, le fameux Abschied ("L'Adieu"), qui occupe la moitié de l'heure occupée par l'ensemble.
Chaque lied se fonde sur un poème chinois du VIIIe siècle, ou plutôt sur la réception d'une traduction déjà susceptible d'être interrogée, tant le résultat semble apatride. Les textes en eux-mêmes ne sont pas, ainsi ballotés d'une langue et d'une civilisation à l'autre, d'une qualité et d'un intérêt invraisemblables. Le traitement musical, en revanche, en est remarquable.
3. Découpage et contenu
1) Das Trinklied vom Jammer der Erde ("Le Chant à boire de la misère de la Terre") présente des sonorités straussiennes, tant dans l'orchestration que dans ses rythmiques retorses, et le ténor qui braille une douleur faussement jubilatoire.
2) Der Einsame im Herbst ("Le Solitaire au Printemps"), un chant de sommeil et de déréliction, constitue le mouvement lent de l'ensemble, sans le serpentement et les tensions habituels chez Mahler - sans doute en raison des nécessités du traitement vocal, mais on se situe ainsi plutôt du côté de la triste et douce paix de la Neuvième Symphonie.
3) Von der Jugend ("De la Jeunesse") présente une fête légère et dansante, un rien mélancolique avec cet orchestre démesuré qui tente de sautiller en vain, suivi de quelques épanchements plus nostalgiques.
4) Von der Schönheit ("De la Beauté"). Ici aussi, comme l'indique le titre, le texte développe dans une saynète des données proverbiales. Le ton recueilli, presque grave, de la musique contraste avec une orchestration légère où dominent les dessus (violons, flûtes) et les percussions claires, ce qui recrée opportunément le trouble évoqué par la traduction du poème. Quelques éclats centraux rappellent le ton d'une fête, et peuvent éventuellement évoquer quelques chinoiseries stylisées.
5) Der Trunkene im Frühling ("L'ivrogne au printemps") fait s'exprimer le buveur lui-même, dans un manifeste amoral qui développe uniquement le ressenti de l'ivrogne pratiquant, et non ses motivations. Le contraste est permanent entre le sautillement et le lyrisme de la ligne vocale et orchestrale, soulignés par les contrastes d'orchestration, originale et brillante dans les sections les plus bondissantes. La maîtrise de l'orchestre est particulièrement impressionnante dans ce lied, et la fusion avec le chanteur remarquable.
6) Der Abschied ("L'Adieu"), le morceau de bravoure de l'oeuvre, qui porte à lui seul toute sa réputation - et la moitié de sa durée totale. Sorte de rondeau varié, au ton d'une calme tristesse, dont le texte évoque l'éloignement amical, une fois encore à travers le ressenti uniquement. Malgré le pathos, la pièce reste le plus souvent, à quelques épanchements près, d'une grande sobriété, ponctuée par les arabesques évolutives des soli de bois et les résonances orchestrales dans l'extrême grave.
4. Versions ?
[Harding avait donné en 2004 plusieurs concerts d'une très belle sobriété, avec Anna Larsson comme alto, mais ça n'est apparemment pas publié.
Je recommande, une fois n'est pas coutume, la version Klemperer (avec Wunderlich et Ludwig), pour le souci d'intégration au discours musical de ses solistes, et surtout pour le cisèlement des formules orchestrales, extrêmement impressionnant. L'atmosphère enserre de façon très convaincante.]
Commentaires
1. Le dimanche 20 mai 2007 à , par Didier Goux :: site
2. Le dimanche 20 mai 2007 à , par DavidLeMarrec
3. Le dimanche 20 mai 2007 à , par Didier Goux :: site
4. Le dimanche 20 mai 2007 à , par DavidLeMarrec
5. Le dimanche 20 mai 2007 à , par Didier Goux :: site
6. Le dimanche 20 mai 2007 à , par DavidLeMarrec
7. Le lundi 21 mai 2007 à , par Bra :: site
8. Le lundi 21 mai 2007 à , par Vartan
9. Le lundi 21 mai 2007 à , par DavidLeMarrec
10. Le lundi 21 mai 2007 à , par Bajazet
11. Le lundi 21 mai 2007 à , par DavidLeMarrec
12. Le mardi 22 mai 2007 à , par Bajazet
13. Le mardi 22 mai 2007 à , par DavidLeMarrec
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