Lu aujourd'hui sur la Toile [Le Temps des cerises]
Par DavidLeMarrec, mercredi 16 août 2006 à :: Discourir :: #357 :: rss
Ce sera le prétexte à une petite réflexion sur la hiérarchisation en art.
Le temps des cerises, tellement plus réussi que bien des lieder de Schubert sur des textes nuls ou que des mélodies de Fauré sur des textes tout aussi nuls.
Certes, les traductions françaises ne rendent pas justice à la poésie allemande, on ne le dira jamais assez, et tous les poètes mis en musique par Schubert ne sont pas extraordinaires. Néanmoins, la hiérarchisation qui classe Le temps des cerises comme très abouti et les lieder de Schubert comme « nuls » laisse perplexe... quel peut en être le critère ? [Il s'agit d'un critique musical très versé dans Mahler, donc pas précisément sensible à la facilité comme critère premier de sélection.]
Car c'est bien là que réside le problème posé par cette citation. Ce n'est pas qu'on ne puisse préférer Jean-Baptiste Clément & Antoine Renard à Schiller & Schubert, ou même trouver plus captivant l'un ou l'autre, tout est affaire d'inclinations personnelles.
Mais quel est le critère qui permet d'affirmer que le Temps des cerises est infiniment supérieur dans l'absolu ? J'ai passé tous les critères que je pouvais en revue. Et force est de constater que je ne trouve pas. Techniquement parlant, les Schubert sont plus impressionnants. Et si à rebours on prend la simplicité comme critère, le dépouillement de ces lieder ne les jetterait au fond des musiques inaccessibles. Pensez à Der Jüngling am Bache, parmi tant d'autres, que je vous proposais d'entendre ici.
Cela, en somme, ressemble fort à une opinion subjective habillée sous une démonstration qui n'arrive pas.
Rien que de très banal, en somme. Pourquoi en parlé-je ?
- Le temps manque pour réaliser des choses plus sérieuses, bien que j'y travaille et que j'espère les proposer prochainement.
- C'est l'occasion de rappeler, on ne le fera jamais assez, que toute hiérarchie absolue est un leurre, de même que le relativisme absolu.
- Tout ne se vaut certes pas (sinon nous devrions trouver une impossible frontière entre le néophyte qui s'amuse à faire de la cacophonie, l'amateur qui apprend et le professionnel censé créer parfaitement), mais on ne peut hiérarchiser que sur des critères. Ce n'est que lorsque un nombre suffisant de critères convergent (le suffisant étant subjectif...) qu'on pourrait se risquer à une classification absolue.
- Autant dire que, vu comme cela, il devient difficile d'affirmer péremptoirement que les lieder de Schubert ou même Le temps des cerises ne seraient rien. Cela demande étude, en précisant les critères. Pour ma part, la richesse suggestive des textes employés par Schubert, la qualité de la prosodie imposée par Schubert, le goût pour un figuralisme discret, presque abstrait[1], mais propre à caractériser chaque pièce, la lumière des modulations dans lesquelles il excelle font que je préfère de très loin ces lieder au Temps des cerises. Il s'agit d'une pièce entièrement strophique, qui reprend en boucle la même ligne mélodique extrêmement simple, sans variation par rapport au changement de texte (ce que Schubert fait parfois, il est vrai, selon ses besoins), dans une écriture inconfortable pour l'accentuation de la langue.
- Avantage cependant : plus facile à chanter pour tous que le moindre des lieder de Schubert, qui sont rares à pouvoir être fredonnés aisément (pièges harmoniques, raffinements rythmiques, ambitus souvent large). Bien sûr, il y a quelques petites exceptions, certes plus difficiles à mémoriser et exécuter que la musique de J.-B. Clément, mais tout à fait chantables : Der König in Thule, 'Auf dem Wasser zu singen ou Eine altschottische Ballade''.
- Ainsi, j'ai là l'occasion d'aborder cette question qui à mon sens règle le problème de la tentation de la hiérarchisation ou du relativisme. Le Temps des cerises est sans nul doute plus adapté à une réutilisation populaire, à la forme d'hymne politique qu'il est devenu (détourné de sa vocation première), et sur le plan de la satisfaction personnelle, les lieder de Schubert sont dépositaires d'une richesse de propos qui m'agrée plus. L'opposition n'est pas nécessaire.
- Troisième raison, une fois tout cela en tête, on peut s'amuser à lire cette chose hallucinante. Je vous laisse vous désespérer autant que moi (pas tant sur l'absence de fond que sur la présence d'une certaine forme). C'est ceci qui m'a donc inspiré la note du jour.
Commentaires
1. Le jeudi 17 août 2006 à , par Laurent :: site
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