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Radio et télévision, soyons confiants (épisode II)

Comme il y en aura pour tout le monde, au tour de France Musique.


Ce soir, France Musique, grande chaîne de service public entièrement au service de la musique classique, audience infime, mais attention, grande exigence intellectuelle et prises de son superlatives.

Comme d'habitude, la prise de son est médiocre par rapport aux prétentions affichées, mate, lointaine, déformant la prononciation des chanteurs, noyant les timbres de l'orchestre, interdisant certains détails d'instrumentation ou de déclamation.
C'est correct pour une prise radio sur le vif (quoique très inférieur aux standards européens et américains), mais fait lever le sourcil lorsqu'on entend l'autopromotion permanente de cette chaîne sur ses prises de son. A titre d'exemple, les prises de son à Orange sont toujours infiniment plus proches, précises et définies chez France 2 que chez France Musique dans les diffusion simultanées.


Mais ce qui nous intéresse est la présentation, toujours le fait de sérieux diplômés en musicologie.

Iphigénie en Tauride ce soir.

Gluck, on le sait, réforme l'opéra. On le voit, il n'y a plus d'air à da capo comme dans l'opéra seria.

Oui mais... Gluck a en effet écrit (on l'a redécouvert avec le disque Bartoli) des opéras seria, mais sa fameuse réforme porte sur l'opéra français... c'est-à-dire la tragédie lyrique.
Où il y a, exception européenne, une déclamation beaucoup plus intégrée...

En réalité, les innovations de Gluck tiennent plutôt dans la modification de la déclamation, plus mélodique et surtout beaucoup plus "réaliste", et aussi dans un orchestre moins décoratif et plus rugissant.
A titre personnel, je trouve la matériau rythmique très raide et le matériau harmonique très pauvre, mais il y a là, c'est indéniable, une modification importante des coutumes musicales. Et ce qu'en fait Minkowski ce soir montre combien cette musique peut sonner, saisissante.
Musicalement, c'est un langage plus équilibré, qui se teinte de classicisme. Dramatiquement, il tient encore de l'exubérance baroque pour influencer directement les romantiques - Berlioz est tout particulièrement fasciné par Gluck. Tout cela est tellement paradoxal.


Mais de là à dire que la réforme de l'opéra français de Gluck est très innovante parce qu'elle ne ressemble pas à l'opéra italien, c'est une responsabilité que je laisse à Stéphane Goldet. Voix délicieuse, au demeurant, et qui a eu son heure de gloire ; mais le climat depuis un certain temps à France Musique ne semble pas l'émulation par le travail.

Il est vrai qu'on parle beaucoup de la réforme de Gluck sans jamais la définir. Mais en l'occurrence, voilà qui sent cruellement le manque de préparation.


Iphigénie doit être sacrifiée à Diane ou Artémis, je ne sais plus qui est qui chez les Romains ou chez les Grecs. [bafouille jusqu'à produire la bourde suivante]

Ne jamais dire ça ! C'est la base. On meuble jusqu'à retrouver ses esprit, mais c'est d'une maladresse. Du coup, elle a raconté n'importe quoi pendant plusieurs minutes.

Surtout que cela n'a aucune importance : le mythe est grec (Artémis), mais la tragédie classique et la tragédie en musique reprennent la filiation latine des noms, donc Diane. C'est de toute façon la même figure, pas de quoi s'embrouiller.

Mais encore une fois, on sent le manque de préparation, le manque de familiarité avec ce qui est décrit, et un petit creux de culture générale. Ce serait très anodin si le reste n'allait pas avec.


on doit donc sacrifier Iphigénie, des sacrifices comme cela se faisait à cette époque

Bafouillant, on aboutit là.

Les sacrifices humains sont en effet courants dans l'Antiquité grecque... (!)

Justement ! Toute l'horreur de ce sacrifice est qu'il transforme la propre fille du chef des armées impie en génisse à immoler.

Confusion donc, attestant d'une culture générale un peu lointaine sur le sujet. Ce serait très anodin, ici aussi, si cela ne s'ajoutait au reste (imprécisions aussi musicales) en l'espace de deux minutes trente.




Entendons-nous bien : il ne s'agit pas de tirer à vue, chacun est faillible. Mais sur une chaîne spécialiste, rémunérés comme ils le sont, ne pas faire autre chose qu'ouvrir le Kobbé (synopsis d'opéra) ou le Massin (ouvrage généraliste), ouvrages déjà possédés par bon nombre d'auditeurs, pour présenter les concerts, et saupoudrer le tout d'imprécisions ou d'assertions fausses ne mériterait pas salaire.
Chacun peut s'égarer, mais lorsque les présentations (sauf du dernier disque qui est reçu avec le dossier de presse et toutes les dates) cumulent régulièrement la paresse, recyclant toujours les mêmes points généraux, et de nombreuses inexactitudes, on peut se permettre d'être perplexe sur la nature du travail qui est demandé à ces présentateurs. On aime beaucoup dire du mal de Radio Classique, qui a embauché des professionnels de la parole pour lire des textes indigents, mais, bien que peu intéressant, il n'y a pas tromperie sur la marchandise.

Toutes les radios européennes ne sont pas comme cela...




Amis Français, rassurez-vous, la Culture est en marche pour vous.

Cela dit, les Anglais, question sérieux, n'ont pas mieux partout.


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